Ce sont des pages blanches. Ou presque.
Dessus, les signes manuscrits, calligraphiés, donnent libre cours au désir d'impliquer le corps, de tracer les signes, et de conduire manuellement l’écriture du poème.
La calligraphie n’est pas appréhendée comme quête de la belle lettre, du signe bien formé. Bien loin de là , paradoxalement, les Calligrammes provoquent l'imperfection, cultivent l'accident et le dialogue d'écritures le plus souvent indéchiffrables.
Ce sont des partition du silence, pleine de touches rythmiques,
où alternent la lenteur et la précipitation du geste. Des partitions où s'inscrivent signes, chiffres, mots manuscrits, traits rageurs ou portés par l'allégresse, hésitations, et repentirs, vivement biffés.
Sans cesse, oscillant entre brutalité et fragilité, les Calligrammes poursuivent "la quête du poème, sous le seuil de lisibilité".
Pour écrire, de multiples outils sont employés : la mine de plomb principalement - comme en écho aux glyphes typographiques - et des puis crayons, plumes de tous ordres, pinceaux, marqueurs, larges brosses ou bombes aérosol... La dilution des encres varie, et l’uniformité des noirs est allègrement révolue.
Les signes typographiés n’ont pas disparu. Ils se sont raréfiés mais constituent généralement les seuls éléments lisibles (lettrages pochés, imprimés, dactylographiés...). Leurs empreintes cèdent juste la primauté à la conduite et aux rythmes de la main.
Rapidement, les poèmes commencent à prendre du relief. Déjà , ils font valoir leur désir d’investir une troisième dimension. Ici, ce sont des lettres imprimées dans des bandes plastiques, légèrement proéminentes. Là , en saillie, des objets, des matériaux rapportés au plan du poème : enveloppes postales, liées, papiers empilés, morceaux de grillages, bouts de bandes magnétiques... Sur des photographies ondulantes, le souvenir de l’outil typographique (glyphes, machines à écrire). En saillie, le papier est ici lacéré, là déchiré ou perforé, de quelques traits acérés, de quelques ponctuations ou d’un signe braille, trop vivement appuyés.
TABULA
RASA
Les œuvres de la série tabula Rasa, initiée en 1994, sont autant de palimpsestes. Par phases successives, les inscriptions sont effacées, pour que d’autres prennent place. Les supports sont partiellement poncées, et à chaque fois repassés au blanc, en couches plus ou moins épaisses. Au fil des mois, des années souvent, les strates d’écritures se superposent. Parfois, inscriptions et de recouvrements s’enchaînent de manière accélérée, sans attendre le séchage complet des encres, ou de la peinture blanche. Ici, un peu d’encre assombrit le blanc qui balaie et occulte les signes ; la virginité des supports cède alors à d’infimes variations des niveaux de gris. Là , une mine de plomb creuse un profond sillon, dans une épaisse et trop fraiche peinture.
Jusqu’aux ultimes inscriptions, les supports gagnent en reliefs, en nuances infimes, et en matérialité. De strate en strate, d’innombrables écrits sont enfouis, rendus au silence et à l’oubli. D’autres émergent encore : quelques traits, signes, chiffres ou mots. Juste une ombre ici, légère. Là , en creux, un sillon, incolore, imperceptible presque. Le souvenir d’un écrit, la trace d’un geste qui résiste encore aux effacements, et à l’oubli.
La poésie est là , dans un interstice entre parole et silence. Quelque part entre présence, disparition, persistance et réminiscences du signe. En silence, presque, le poème porte l’espoir, et inscrit sa volonté farouche de défier l’insignifiance.
Création : 1998
Format : 120x200 cm
Technique : mixte, mine de plomb,
pochages aérosol,
enveloppes postales sur bois.
TABULA 01 1994 130x195CM
triptyque, 2006
format : 170x500 cm
technique : mixte, mine de plomb, papier,
encres, cordes, peinture aérosol, écrans vidéo sur bois.
L’œuvre est née au terme de six mois d’échanges et de collaboration avec le Professeur Marie Vidailhet, co-directrice de l’équipe de recherche « Contrôle du mouvement normal et anormal » à l’ICM (Institut du Cerveau et de la moelle). C’est autour de la dystonie, pathologie affectant le geste scriptural, que la collaboration s’est orientée.
Deux écrans vidéo sont intégrés au support. Sur le premier, l’écriture de patients, lors de consultations avec Marie Vidailhet. Sur le second, la main de l’auteur, inscrivant un poème en prose, original, à la surface de l’œuvre.
Les deux séquences vidéo établissent un dialogue entre le geste pathologique - socialement stigmatisé - et le geste artistique - socialement valorisé.
Sur les deux écrans, en post-production typographique, le texte du même poème. Les séquences vidéo, synchronisées, s’en partagent la narration et participent d’une partition à deux voix.
L’œuvre fait ainsi dialoguer plusieurs voix, plusieurs espaces, plusieurs temps, et plusieurs formes d’un même texte : formes imagées et scripturales, typographiées et manuscrites, espaces physiques et numériques, tous mis en perspective. En résonance, le temps de la trace et celui, révolu, geste dont elle procède.
Présentation de l’œuvre à l’occasion de l’ouverture de la FIAC 2016.
photos : Mme Claire Chazal et Mme Jennifer Flay, directrice de la FIAC.
Sélection 1984 - 2012
Format : 24x18 cm
Technique : mine de plomb
et impressions typographiques
(glyphes de plomb et de bois) sur papier.
Sélection 1984 - 2012
Format : 24x18 cm
Technique : mine de plomb
et impressions typographiques
(glyphes de plomb et de bois) sur papier.
ci-dessus
Sans titres, 1995
formats : 65x50 cm
Technique : goudron, peinture acrylique, mine de plomb, craie grasse,
typographies embossées sur plastique, fragments d'enveloppes postales sur papier
Les montypes font le lien entre calligrammes et typogrammes : les signes sont calligraphiés, au goufron, sur des plaques de verre, avant d'être imprimés (en négatif) sur le papier.